La gazette de février 2010.

Publié le par Ar C'hazh Du

Miaou lecteur,

Je rentre d’une virée en Bretagne, ce pays (« bro » en breton) vivifiant que j’ai fait mien et que je voulais voir aussi en hiver, un peu comme il faut tout savoir d’un être qu’on chérit, le bon mais aussi le moins bon pour se confirmer que le choix qu’on a fait est satisfaisant. Et comme le dit l’hymne Breton : « N’eus bro all a garan kement ‘barzh ar bed » (Il n’est d’autre pays au monde que j’aime autant).

Le principal défaut (et en fait, elle en a d’autres) que je trouve à ma terre d’adoption, c’est qu’elle est loin de mon lieu de travail ce qui me contraint à de longues heures d’autoroute si je veux m’y ressourcer. Et c’est durant ce trajet que m’est venue l’idée de ma gazette de ce mois.

La rectitude quasi parfaite du « long ruban », comme disent les routiers (le disent-ils encore, je n’ai pas parlé avec l’un d’eux depuis un bail) et la performance des véhicules qui l’utilise me convainc sans difficulté que la vitesse technologiquement permise, j’entends par là, la vitesse qu’il est possible d’atteindre sans que la physique ne m’impose de sortir de la route, est très supérieure aux 130km/h imposés par le code de la route. La circulation plutôt rare ce jour là m’aurait de même permis, tout en respectant un espacement suffisant entre deux véhicules, de rouler plus vite. Je me suis mis alors à rêver aux temps ou la vitesse n’était pas limitée sur les routes de France.

Un coup d’œil à Wikipedia me confirme que de 1922 à 1954, la vitesse était libre sauf lorsque la chaussée risquait d’en souffrir. Ces considérations techniques sont logiques et raisonnables et touch(ai)ent surtout les poids lourds. Si les années 60 voient quelques tentatives expérimentales sans grandes conséquences, le Rubicon est franchi en 1973 suite (déjà) à une explosion des tués sur les routes. Le régime contraignant de circulation routière sera systématiquement durci dès lors selon la célèbre technique stalinienne dite « du salami » que nous n’avons probablement pas fini de nous farcir et ce en dépit de controverses sur le vrai rôle de la vitesse dans un accident, certes facteur aggravant mais pas si générateur qu’on aime à nous le faire penser, En 2000, c’est la radicalisation ; jusque là modéré par les effectifs des forces de l’ordre qui par ailleurs jouaient aussi un rôle de prévention, souvent simplement en s’affichant un peu avant les endroits dangereux, la répression devient un leitmotiv et une obsession. Pour des considérations politiques opportunistes, tant de populisme facile (pleurons avec les familles de victimes d’accidents de la route, elles voteront pour moi) de renflouage à bon compte des caisses de l’état (vive l’usager de la route vache à lait), de copinage malsain probable mais encore à démontrer, entre les politiques et les dirigeants d’entreprises fabricantes de ces boîtes à images et autres gadgets surveilleurs, fleurissent donc un peu partout des radars automatiques, des contrôles traquenards (on a même droit désormais à des forces de l’ordre en civil, une police discrète sinon secrète donc, qui dénoncent les infractions à des collègues en uniforme postée un peu plus loin pour verbaliser) et un discours criminalisant l’usager un peu trop rapide qui dans le pire des cas n’est qu’un, désormais banal, délinquant.

Tellement banal ce délinquant, que les gardes à vue résultant de son arrestation sont exclues des statistiques de la garde à vue (!), ce qui, à mon sens, prouve à quel point l’état sait que le délinquant routier n’est pas un « vrai » danger pour la société, et devrait logiquement l’exclure du régime de la délinquance et le ramener, comme autrefois, dans le régime de la contravention déjà plutôt sévère et, à coup sûr, couteux.

Partant de là, il est temps de se poser une question simple : puisqu’un excès de vitesse (au regard de la loi) ne résulte que rarement en un accident, lequel n’entraîne pas systématiquement un décès ou un incapacitation, qu’es-ce qui justifie, vis-à-vis des droits de l’homme, une telle hystérie répressive ? La réponse est à mon avis: pas grand-chose… S’il existe bien sûr un droit pour chacun à vivre et à vivre en paix, il n’existe pas un droit à vivre en risque zéro, pour la bonne raison que le risque zéro n’est pas un aboutissement permettant le bonheur mais la réalisation, comme tout objectif extrême, d’une horreur sociétale. En ce sens que, pour parvenir à cet objectif, il faut renoncer à ce qui fait de nous des êtres humains, à nos autres droits élémentaires et à nous assujettir à une autorité totalitaire placée, bien entendu, elle-même au dessus de toute obligation. La sécurité absolue est aussi dangereuse pour chacun que la liberté absolue, et il serait temps que les petits loups blancs qui applaudissent à chaque nouvelle loi dite de « sécurité » (sur la route ou ailleurs) s’en rendent compte.

Ainsi, à l’appui de ma thèse et pour rester dans le registre de la route, la sécurité « risque zéro » suppose de rouler à… 0 km/h ! On voit tout de suite l’absurdité. Mais on peut aller plus loin et faire remarquer que la limitation de vitesse est en fait une limitation du droit de circuler, liberté fondamentale s’il en est, puisque élémentairement, moins on va vite, moins on parcourt de distance en un temps donné. Le temps qui nous est imparti étant limité, tant physiologiquement en durée de vie que socialement en jours de week-end ou de congés payé, il est donc évident que j’irais d’autant moins loin que la vitesse est limité. Ainsi, pour couvrir les 465 km qui séparent Toulouse de Nantes (Oui, Nantes est une ville bretonne), il me faut 2h et 20 mn à 200 km/h, vitesse que j’atteins aisément sur ma moto (et sur route fermée bien entendu), 3h à 155 km/h, vitesse que pourrait facilement soutenir ma voiture, mais presque 4h si je roule à 130 km/h. On voit par là que l’état me vole au moins deux heures de vie chaque fois que je fais Nantes aller-retour et qu’il le fait en prétextant me la sauver.

Alors, pour mémoire, il y a sur autoroute (chiffres 2000-2006) env. un tué pour 335 millions de kilomètres parcourus. Je parcours env. 20.000 km par an sur autoroute, j’ai donc env. 0,006 % de chance d’être tué sur autoroute chaque année (une demi-chance sur dix mille). Même deux fois plus élevé, je trouve le risque acceptable. Par ailleurs, la limitation de vitesse sur autoroute me fait perdre 25h de ma vie (comparativement à une vitesse « libre » que je choisirais à 155km/h car je suis un garçon raisonnable) une journée entière perdue par an !

On voit par là qu’a vouloir sauver la vie de ces citoyens, l’état le prive en fait de ce qui en fait la joie. En effet, passer mon temps sur l’autoroute n’est certes pas la vision que j’ai du bonheur... Devoir y rester plus longtemps que nécessaire pour diminuer le risque d’y rester à jamais devrait être un choix individuel et non un choix collectif imposé par un état qui prend prétexte d’une supposée volonté populaire pour remplir ses caisses, et assurer une élection à un représentant quelconque d’une classe politique par ailleurs fort déconsidérée.

En vertu de cette rapide démonstration, je réclame donc la suppression de la limitation de vitesse sur autoroute ou, à tout le moins, sa remontée à 200 km/h et, en tout état de cause, la fin du flicage de la vitesse sur le réseau autoroutier de mon pays.

Ar c’hazh du.

P.S : On vote en mars pour nos régions. L’élection est proportionnelle et à deux tours. Aux urnes citoyens !

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