La grammaire française : Kafka (enri) « chie » notre langue.

Miaou Lecteur,

Bien, cela fait longtemps que je n’ai pas fait un article « d’humeur ». Ce ne sont pas les sujets qui manquent mais ma gazette occupe déjà beaucoup du temps que je consacre à mon blog et j’ai aussi, le croiriez-vous, une vie sociale et relationnelle que j’estime riche et qui, en tout cas, me prend pas mal de mon temps libre (c’est à dire le temps que je ne perds pas à « gagner » ma vie).

 

Abrégeons car sinon l’introduction sera plus longue que le développement, voici donc un petit billet d’humeur généré par la (re)découverte d’une absurdité bien française : l’accord conditionnel du participe passé lorsqu’il est conjugué avec l’auxiliaire « avoir ». Ce petit bijou de perversion grammaticale a toujours crée chez moi un abîme de réflexion perplexe. Pour situer le cadre je vous fais l’injure de citer le dite « règle » grammaticale :

 

Il faut accorder le participe passé en genre et en nombre avec le complément d’objet lorsque celui-ci est placé devant le verbe.

 

Que les jeunes générations me pardonne mon phrasé suranné, j’ai cru comprendre que depuis le premier choc pétrolier, on n’employait plus les termes « complément d’objet ». Tant pis, moi j’ai connu les bancs de l’école bien avant l’élection de Mitterrand et la réforme de l’orthographe, aussi j’emploie ici (et ailleurs) les termes de mon temps. Donc disais-je, cette règle, qui remonte approximativement à François Premier mais qui s’est fixée au 19ème, a exactement tout pour me mettre de mauvaise humeur :

 

Premièrement :

Cette « règle » distingue arbitrairement, voir discrimine, l’auxiliaire être, sympathique auxiliaire qui demande un accord de l’attribut du sujet (en général un adjectif qualificatif) en genre et en nombre avec son sujet (ex. Les boules sont rondes), ce qui est simple, presque logique mais surtout systématique, de l’auxiliaire avoir, auxiliaire abominable de prétention avec il faut avoir (justement) des égards et passer par les fourches caudines du cas particulier (ex. J’ai choppé les boules).

Je m’explique ci-après.

 

Deuxièmement :

Cette « règle » distingue tout aussi arbitrairement le cas du complément d’objet placé avant ou après le verbe ainsi :

« J’ai choppé les boules » exige de laisser le participe « choppé » non accordé.

« Les boules que j’ai choppées » demande à accorder le participe « choppées ».

Et bien c’est agaçant, illogique et surtout fatigant de se poser la question à chaque fois ! En effet, à partir du moment ou je les ai attrapées, ces fichues boules, peu importe que j’emploie une proposition indépendante ou une principale suivie d’une relative pour rapporter l’évènement, elles devraient toujours commander l’accord du participe ! Voilà ! L’auxiliaire avoir serait alors simple et sympathique comme peut l’auxiliaire être, lui qui ne fait pas braire son monde avec des exigences de diva sur le retour.

 

Troisièmement :

Car ce n’est pas tout ! La « règle » du complément d’objet placé avant ou après est soumise, à son tour, à certaines exceptions ! Vous ne pensiez tout de même pas que ces pervers de faiseurs de règles arbitraires et idiotes allaient laisser passer une occasion de créer des exceptions tout aussi arbitraires et idiotes. Alors, voici donc quelques exceptions.

 

On n’accorde jamais avec le verbe faire (et même, depuis peu, avec le verbe laisser)

Ainsi on dit :

Les boules que cette règle absurde m’a fait chopper. (et non m’a faites chopper).

 

On accordera le participe avec un collectif ou son  complément suivant le sens !

Cela donne :

La paire de boules que j’ai choppées.

ou

La paire de boules que j’ai choppée.

On peut accorder soit à la paire ou soit aux boules comme cela me plaît !

 

Pour un verbe impersonnel, on n’accorde jamais.

Ce qui fait :

La canicule qu’il a fait (et non qu’il a faite)…

 

Reste un cas tellement vicieux que plus personne ne sait vraiment dire comment faire :

On doit dire :

Les boules que j’ai vu chopper.

Mais :

Les filles que j’ai vues chopper (des garçons).

Parce que les filles agissent (elles choppent) alors que les boules sont passives (elles se choppent).

 

Avec tout ça allez expliquer au étrangers ou aux enfants qui essaient de comprendre la « logique » de notre langue comment Descartes a pu écrire sa méthode…

 

Lorsque dernièrement, j’ai discuté de ce sujet, on m’a répondu, tenez-vous bien, que c’était de la culture qu’il fallait bien inventer des choses comme cela pour distinguer l’élite du commun ! Et bien non, il ne faut pas ! Cela confirme exactement ce que je hais dans ce genre d’arbitraire ; il encombre la tête de tous pour faire plaisir à un oligocosme qui se croie supérieur au reste du monde parce que son indigence intellectuelle qui ne le cède que de peu à sa vacuité oisive lui laisse tout l’espace et le temps nécessaire pour se gargariser de ce genre superfluteries. 

 

Alors moi je dis basta ! Assez, de ces fioritures et minauderies de malades qui n’ont rien trouvé de mieux pour briller en société que d’inventer à partir de rien, ce type de « règles » imbéciles et contrariantes.

 

Qu’on me comprenne bien, je ne suis pas pour l’appauvrissement de la langue. J’aime le français, la richesse de son vocabulaire, la précision de sa construction et, jusqu’à un certain point, la subtilité des ces conjugaisons. Mais j’en déteste l’arbitraire de son orthographe et la floraison d’exceptions dans sa grammaire ou dans sa syntaxe. Particulièrement lorsque l’on en prend alors prétexte pour me parler de culture ! Ce n’est pas de la culture, c’est de l’arbitraire et même de la tyrannie. La langue est notre outil commun de communication. Cet outil doit bien sûr, pour être commun, reposer sur des règles communes et appliquées par tous. De ce fait ces règles doivent être simples cohérentes, intelligibles et idéalement logique, puisque la logique est commune aux hommes.

 

Refuser ce principe humaniste c’est, une fois encore, se comporter en obscurantiste. C’est justifier la domination des uns sur les autres non pas sur les mérites comparés à la lumière de la raison mais à l’aune de l’arbitraire. C’est confisquer cet outil merveilleux destiné à promouvoir l’échange d’expérience, enrichir l’humanité de progrès, d’histoires ou de poésies, du partage entre les hommes qui fait sa grandeur, pour en faire un outil de domination. Je vous renvoie à Georges Orwell pour les détails de ce qui arrive quant une oligarchie s’empare de la langue commune…

 

En conséquence, je milite donc pour l’accord du participe avec son complément d’objet, quelle que soit la situation ! Par devant ou par derrière, avec ou sans laisser faire, personnel ou pas ! Je suis prêt à négocier l’idée de ne jamais l’accorder au lieu de toujours le faire mais je refuse ces exceptions idiotes et obscurantistes. Voilà !

 

Ar c'hazh du. 21 août 2008.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :