La gazette de juin 2010 :

Publié le par Ar C'hazh Du

 

Miaou lecteur,

 

Nous voici en juin. Notre météo perturbée m’a donné envie de relire « SOS Météore » une aventure de Black et Mortimer datée de 1959, une des meilleures de la série, en particulier pour sa précision géographique et son intrigue, juste assez futuriste pour rester réaliste.

 

Mais il m’a aussi bien fallu prêter une oreille lassée à l’actualité et force est de constater que la « crise financière » est toujours présente. Alors ce mois-ci, je tente à l’usage du profane, dont je fais parti, une explication de texte, disons une vulgarisation, usant des inépuisables sources du net, sur les élégantes pratiques de ces parasites que l’on appelle les « spéculateurs ».

 

En préambule, je rappelle ici ma définition personnelle du spéculateur : un spéculateur est une personne, morale ou physique (un « petit » porteur ou une banque d’affaire), qui réalise du profit sur un produit sans apporter de valeur ajoutée au dit produit.

Une définition plus proprette (politiquement correcte) de la spéculation est disponible ici : spéculation

A la lecture de cette seconde définition, il appert que ce serait la « prise de risque » qui est rémunérée par le profit réalisé, justifiant ainsi le rôle « social » (et donc légitimant sa légalité) du spéculateur. Je ferais ci-après (ou plutôt le mois prochain) justice de cet artifice…

 

Comment donc s’y prend un spéculateur pour réaliser ces tristes pratiques ? Tout d’abord, notons qu’il exploite la variation du cours d’une « valeur », cours dument coté dans une salle prévue à cet effet, une salle dite de « marché ». Virtualisation du monde financier oblige, l’accès à cette salle peut être réalisée par le truchement d’un ordinateur ou la médiation d’un « trader » qui, lui, utilisera ou non l’ordinateur. On constate donc qu’un « trader » n’est qu’un intermédiaire, un valet du capitalisme dans le langage marxiste, qui œuvre pour lui-même (n’en doutons pas) mais surtout pour le compte d’autrui (un banquier ou un « petit » porteur)… Or, livrer en temps de crise à la vindicte populaire les valets, contremaîtres, gardes chiourme et autres régisseurs est une tactique séculaire des maîtres, qu’ils soient propriétaires d’exploitation de coton, capitaines de galère, capitaine d’industrie ou banquier. Penses-y, petit loup blanc, lorsque la presse fait mousser le procès de tel ou tel « trader fou »…

 

Revenons maintenant à nos valeurs : le prix affiché d’une valeur est le résultat de la dernière transaction faite, (ou la moyenne des dernières transactions faites, parfois le « calcul » est un peu plus complexe), dans le but d’obtenir une estimation de sa valeur d’échange en se basant sur le prix à laquelle la dite valeur vient d’être échangée. En résumée, une valeur vaut à l’instant "t" ce qui a été donné pour elle à l’instant "t-1". Pure logique d’offre et de demande, basée sur un ressenti pifométrique de l’acheteur et du vendeur. Rien de vraiment rationnel (comme la prise en compte par ex. et entre autres, de l’apport du travail, de l’énergie ou des matières premières usées pour l’obtenir) en dépit de ce que nous disent les néo-libéraux sur l’infaillibilité et la rationalité des marchés.

Partant de là, les paris sont ouverts ; le spéculateur va donc acheter et / ou vendre des valeurs suivant la fluctuation des cours de celle-ci afin de réaliser son profit. Jusque là c’est simple, attention la suite se complique.

 

1er temps, l’approche basique. Une spéculation est donc un pari : j’achète une valeur dont je pense que la valeur d’échange est sous évaluée et je la revends lorsque je pense qu’elle a atteint son cours maximum et qu’elle est désormais surévaluée. Toute l’astuce est de ne pas avoir besoin de l’argent immobilisé dans la valeur entre le moment ou elle est acheté et le moment ou je peux la revendre avec un profit. C’est la spéculation de grand papa ; je mise de l’argent que j’ai et dont je suis sûr de ne pas avoir besoin sur des valeurs dont je suis certain de la hausse. Si je me plante, je perds de l’argent dont je n’avais pas l’utilité et si je gagne, je touche la rémunération du « risque » que j’ai pris de perdre cet argent.

Ce boursicotage ne dépasse pas le niveau du joueur de casino ou au mieux du joueur de tiercé. Minable et souvent peu rentable voir ruineux donc assez dissuasif à tout investisseur raisonnable.

Mais même là, notons que nous sommes déjà loin du comportement du simple acheteur d’actions ou d’obligations qui veut réaliser un placement pour sa retraite ou les études de sa progéniture. Ce dernier touche les intérêts (on parle de dividendes) d’un prêt révocable (par la revente des dites actions / obligations) consenti à l’entreprise ou l’état émetteur. S’il ne réalise pas de profit lors de cette revente, il n’y a pas de spéculation.

 

2ème temps, le levier : Si je peux miser davantage et que je gagne, je gagne plus. Pourquoi, lorsque je suis « sûr » de mon coup, ne pas emprunter de l’argent pour miser plus afin de gagner davantage (emprunter plus pour gagner plus, c’est mieux que travailler plus pour le même résultat) et rembourser alors intérêt et principal sur mes plus value, la différence restant gagnante ? En effet, pourquoi ne pas le faire du moment que l’on trouve un gogo assez fou pour accepter de vous voir miser à la roulette ce que vous venez de lui emprunter ? Parce que si le coup « sûr » s’avère être un tuyau crevé, le créancier ne va pas revoir son argent…

Et bien, figure-toi ami lecteur qu’il se trouve des créanciers assez stupides pour prêter tout de même cet argent ! Non ? Si ! Qui donc est assez stupide pour faire cela ? Presque tout le monde car il l’ignore ! En effet, il suffit de ne pas dire à ce créancier qu’on lui emprunte son argent ! Tiens, par exemple, toi-même, petit loup blanc qui possède un compte en banque, tu as un dépôt que tu penses libre d’accès. En fait, tu as une créance que tu escomptes recouvrer à vue… Et à ce titre, tu es créancier (pour 0% d’intérêt la plupart du temps) de ta banque.

Et qui te dit que ta banque ne prête pas elle cet argent à notre spéculateur « sûr » de son coup ? Personne ! Et il fait bien, Personne, de ne rien dire parce que c’est exactement ce qu’elle fait… Et en prêtant à beaucoup de  spéculateur « sûr » de leur coup, elle compte un marché « haussier » sur la mutualisation des gains et pertes pour obtenir un remboursement intérêt et principal qui lui permettra de te rendre ton capital et de se garder les intérêts pour ses actionnaires. Par parenthèse, les collectivités locales et certains fonds de retraites agissent de même avec les rentrées fiscales de leur assujettis moutons et les cotisations de leurs naïfs épargnants…

Le hic, c’est lorsque tous les spéculateurs se plantent en pariant sur la hausse d’un produit qui s’avère foireux (une bulle). Là, tout le monde perd sa chemise, le banquier est dans la mouise et donc toi aussi petit loup blanc, puisque tu es le créancier. Heureusement le banquier, prudent (laisse-moi rire) a pris une assurance…

 

3ème temps, le CDS : Là, on touche au sublime. Sachant que parfois un spéculateur se plante, il existe un moyen de couvrir cette erreur par une assurance. Les initiés dont, je le répète, je ne fais pas parti, parlent de CDS (credit default swap). En gros, si un titre se plante, un tiers arrive et rembourse la perte. Bien sûr, il faut lui payer à ce tiers une cotisation liée à la durée de l’opération et au risque encouru. Ce risque est « évalué » (toujours ce pif si rationnel des marchés) par des agences et autres cabinets d’experts et par l’offre et la demande. Là encore, tant que tout va bien, les quelques défauts sont largement compensés par les gains des cotisations. Mais le système assurantiel plante lorsque qu’il y a une cause commune de perte (au hasard encore, une bulle qui se dégonfle). On voit alors vite que le roi est nu, surtout que le roi en question c’est une autre banque ou une compagnie d’assurances qui de son coté fait aussi des placements spéculatifs dont elle compte sur les « résultats » pour couvrir le risque spéculatif (je spécule pour me protéger des hasards de la spéculation…).

 

En résumé, banquiers, assureurs et spéculateurs utilisent tous le même « argent » et usent pour spéculer du capital de dettes qu’ils se sont mutuellement consenties sur la base de ton dépôt à vue ami lecteur. Bien entendu, le petit loup blanc qui « place » son argent en exigeant (ou non) un rendement élevé, est aussi mis à « contribution »

 

J’en reste là pour ce mois-ci, le mois prochain, (teasing) nous poursuivrons avec les ventes à découvert et les propositions de « régulation ». J’en profite pour citer ici l’excellent blog de Paul JORION dont je recommande la lecture à tout les petits loups blancs qui pensent que « c’est de notre faute si on en est là ».

Bonne bastille à tous…

 

Ar c’hazh du.

 

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